Eloignons-nous un instant des montres pour nous intéresser à un autre objet intime du quotidien qui se patine, vieillit et dure longtemps : les souliers. Avec l’arrivée de l’été et des premières grosses chaleurs, le choix n’est en effet pas toujours facile lorsqu’il s’agit de se chausser confortablement sans renier à jamais toute notion de style. L’une des options est définitivement de faire le choix des “Deck Shoes”, ces mocassins très souples et resistants nés au Etats-Unis au début du siècle dernier. Un classique indémodable s’il est bien porté dont nous allons discuter aujourd’hui…
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Sperry Topsiders & Sebago Docksides : Born in the U.S.A
Tout comme la chanson culte de Bruce Springsteen, le mocassin spécialement conçu pour la navigation est né aux États-Unis. Son design original tel que nous le connaissons aujourd’hui est attribué à Paul A. Sperry et date de 1935. Vous voyez, ça ne date pas d’hier. Issu d’une famille de marins, Paul Sperry est d’ailleurs le frère de l’illustrateur et écrivain américain Armstrong Sperry, connu notamment pour les livres d’aventures pour enfants “Call it Courage” et “All Sail Set”.
Une chaussure créée pour ne pas pas glisser sur les ponts en tek mouillés des bateaux et dont les stries des semelles en caoutchouc furent inspirées à l’époque par les coussinets des pattes de son Épagneul Cocker. La semelle est originellement blanche afin de ne pas laisser de trace sur les ponts fraîchement lustrés. Evidemment.
L’autre compagnie mythique qui fabrique ces “boating shoes” s’appelle Sebago et naît dans le Michigan en 1946. Design et conception très proches des Topsiders Sperry : une construction mocassin entièrement réalisée en cuir et une semelle caoutchouc ultra-souple, deux oeillets et un lacet en cuir de section carrée qui fait le tour du chausson pour un maintien renforcé. Simple et efficace. Le mocassin Sebago prend le nom de “Docksides“.
Marque de niche appréciée principalement des marins jusqu’à la fin des années 70, c’est au cours des années 80 que Sebago trouve un nouveau souffle lorsque s’en emparent les lycéens et étudiants américains au sein du courant “preppy”, sorte de mise à jour du célèbre look “Ivy League” des grandes universités américaines du nord-est. On s’éloigne un brin des ponts mais toutes ces universités disposent après tout de célèbres équipes de voile. Ça reste donc cohérent.
Sur les photos, c’est une paire de Sebago, plus souples selon mon expérience des deux modèles et surtout avec une semelle en caoutchouc plus fine que je trouve plus élégante et un peu moins sport. Un choix évidemment très personnel. Les deux marques proposent des mocassins bateau de très bonne qualité au style classique avec une légitimité historique et aux styles très proches.
Parmi les avantages incontournables de ce type de “chaussure bateau”, il y a évidemment celui d’avoir une construction robuste en cuir, d’être léger et extrêmement souple et de ne pas craindre l’eau pour un sou. Il est même conçu pour. Après un bain d’eau salé ou une chaude journée d’été, il suffira donc de le passer sous l’eau pour les rafraîchir et de les laisser sécher naturellement.
Les erreurs à ne pas commettre…
Je vous dis cela à titre de conseil d’ami, car entre un style Preppy mais cool et assumé et une silhouette American Dad, il y a certaines choses à savoir pour ne pas basculer du côté obscur de la force…
Attention à ne pas forcément jouez le full look…
Mélanger les codes et brouiller les pistes est toujours un exercice amusant lorsqu’on cherche son style. Les boating shoes, pour les raisons mentionnées précédemment sont d’excellents compagnons de voyage, d’été et bien sûr de navigation. Il n’est pas nécessaire de sur-jouer en les portant avec une chemise Oxford rose pâle rentrée dans votre pantalon blanc, pull Ralph Lauren noué sur les épaules. Il sera beaucoup plus rigolo de les sortir de leur contexte et de les associer à une paire de chinos et une chemise en denim, manches retroussées. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, évidemment.
Attention à la taille…
Par sa construction mocassin entièrement en cuir, les boating shoes s’assouplissent et le cuir se détend, c’est normal. Prévoyez donc un chausson plutôt serré lors du choix de la pointure afin de ne pas ressembler à un touriste fatigué au bout de quelques semaines.
Attention au pantalon…
On ne le répètera jamais assez, les chaussures bateau supportent mal la médiocrité en ce qui concerne les associations. Optez donc plutôt pour un pantalon qui ne soit pas trop large à la cheville. Osez braver cette règle d’or en mettant votre paire de cargos aussi large à la cuisse qu’à l’ourlet et toute l’intemporalité et le cool de ce mocassin sera instantanément détruite au profit d’une silhouette de touriste américain en surpoids. Evidemment, ce n’est pas ce qu’on souhaite.
Mis à part ces quelques avertissements de base, voici un compagnon idéal qui s’adaptera à bien des situations et environnements différents sans sourciller. Un compagnon qui vieillira avec vous et dont la patine, d’ici quelques années, tout comme celle de votre montre, vous rappellera d’excellents souvenirs…